Maria Beuken a passé ses dernières années à promouvoir le travail de Jacques Izoard, inlassablement et avec ferveur. Elle était la présidente de la Maison de la Poésie Jacques Izoard. C’est avec tristesse que nous vous annonçons qu’elle s’est éteinte peu après son 97ème anniversaire, ce 10 juin 2020.
« Jacques Delmotte, dit Jacques Izoard, est né le 29 mai 1936 à Liège et y décède le 19 juillet 2008. Poète et animateur de la poésie en Wallonie et à Liège, il est l’auteur d’une oeuvre, prolifique, qui comporte une soixantaine de recueils de poésie, ainsi qu’un essai sur Andrée Chedid, et est couronnée par le prix Mallarmé en 1979. En 2001, Izoard reçoit le prix Triennal de Poésie décerné par la Communauté française de Belgique et, en France, le prix Alain Bosquet.
Piéton de Liège
A l’occasion de la parution du troisième tome des Œuvres complètes de Jacques Izoard, Maria Beuken, amie et secrétaire de Jacques Izoard pendant près d’un demi-siècle, a ouvert la bibliothèque de la maison qu’occupait le poète, siège de la Fondation éponyme. Son amitié pour le poète liégeois est une intarissable source d’anecdotes et d’émotions. Elle se souvient de l’avoir rencontré à l’automne 1965, par l’intermédiaire d’un ami espagnol. Sans même connaître sa poésie, sa sympathie pour l’homme a été immédiate et cette rencontre un véritable choc. Izoard travaillait à l’époque à l’élaboration de son troisième recueil.
Il s’installe en 1969 rue Chevaufosse, dans la maison qu’il n’a plus quittée, et dont il fit avec Maria Beuken, en 1982, l’acquisition – en rente viagère. Elle se souvient que Jacques illuminait sa vie de poésie, d’amitiés, de rencontres et aussi de son amour de Liège. Très attaché à sa ville, à ses lieux, à son fleuve et à ses escaliers, Jacques Izoard était un piéton de Liège. Il aimait les petites gens, les déclassés, les laissés-pour compte. 2006, l’année de ses 70 ans, aura été celle de sa consécration. L’université de Liège lui a consacré un colloque. A Paris, les éditions de la Différence ont publié les deux premiers tomes de ses oeuvres.
Dans la Cité ardente, nombreux sont les lieux de poésie qui doivent leur naissance à son dynamisme. Ils sont mobiles et mouvants. Il arrive qu’ils existent de manière intense et éphémère et disparaissent sans crier gare quand ils commencent à peine à se faire connaître. Les éditions de l’Atelier de l’Agneau, sous la houlette de Robert Varlez d’abord, de Françoise Favretto ensuite, faisaient paraître de nombreux textes de poètes liégeois. En 40 ans, de nombreuses revues de poésie apparurent et disparurent au bout de quelques numéros. Jacques Izoard citait volontiers La flûte enchantée (Alexis Curvers), Dialogue(Francis Edeline), L’Essai (Roger Gadeyne), Lettres 55, Asphalte, ou encore Les yeux brouillés (Roland Counard). Il participa aussi à la création des Biennales internationales de Liège, qui prirent la suite des Biennales de Knokke et permirent aux poètes d’ici de rencontrer des poètes du monde entier.
Jacques Izoard, se souvient Maria Beuken, fut dans ses années d’intenses productions poétiques l’inspirateur de ce que Luc Bérimont appellera dans Le Figaro “l’école de Liège” dont l’enjeu était de “publier la poésie contemporaine” dans l’esprit de la revue Odradek. Le Cirque Divers, qui reçut en son temps Eugène Guillevic, Alan Ginsberg, Adonis, Andrée Chédid et tant d’autres, fut le premier lieu où Izoard proposa des lectures, des rencontres et des entretiens autour de poètes vivants.
Toujours sous la houlette d’Izoard, avec l’aide de Carmelo Virone, l’association de Michel Antaki, Le Cirque Divers, puis D’une certaine gaieté ont organisé bon nombre d’activités littéraires. Et en particulier la Nuit de la poésie durant laquelle les grands noms comme les petits se réunissaient dans un endroit stratégique pour une nuit de lectures animée “jusqu’à l’aube” avec humour et décontraction par Izoard. L’asbl Emulation, quant à elle, accueillit “La Maison des Mots”, baptisée par Jacques Izoard, et développa pendant quelques années une intense activité poétique. (…)« , Karel Logist, 15e jour du mois, n°214, mai 2012